Un univers urbain onirique

 

Pour sa nouvelle exposition, la galerie des Amis des Arts de Neuchâtel expose pour la preière fois les œuvres du peintre jurassien Léonard Félix. L’artiste sublime les lieux inconnus, et plus particulièrement l’espace urbain qui les définit, dans un style pictural tout entransparence et en perspective. Un art dépourvu de présence humaine, à travers lequel lâme des bâtiments prend mystérieusement corps.

 

Par une symbolique des couleurs chargées d’émotions, une passion retenue de l’expression et un pathos serein, Léonard Félix crée des lieux baignés de lumière, à la fois inhabités et évanescents. Proche d’une peinture lyrique, seule la présence de ses bâtiments ou ses pièces de mobilier, intégrées dans l’ambiance brumeuse et onirique du lieu, permet de percevoir une ligne d’horizon, sans qu’elle soit réellement manifeste mais suffisamment précise pour qu’il s’en dégage une certaine perspective. Ainsi, immobiles devant l’infini, ses bâtisses isolées semblent en attente dans un endroit où la terre et le ciel se séparent et se rencontrent à la fois. Su la palette de l’artiste est relativement dépouillée, ses tons sombres sont parfois rehaussés par des bleus électriques et des rouges chatoyants créant une atmosphère des plus singulières.

 

Dans les œuvres au chromatisme plus sobre, la lumière est énigmatique, à l’instar de ses ombres noires qui interpellent le spectateur par le climat mystérieux, parfois inquiétant, qu’elles dégagent. Pourtant dans ses œuvres récentes, il n’apparaît plus qu’un seul espace pictural, uniformément moucheté d’un ton sobre et transparent, tantôt violâtre, tantôt bleuté, intensifiant encore sa perception du poétique et de l’insolite.

 

Les tableaux de cet artiste né en 1973 à Porrentruy (JU) se jouent des différentes couches de peinture qui se superposent pour accéder à une nouvelle image, qui se forme avec l’ancienne. Il crée ainsi un effet de transparence dans la majorité des œuvres présentées ici. La technique de l’acrylique, choisie par l’artiste, lui permet de retravailler la toile à sec et de créer ainsi des rehauts à l’huile. Ses formes évanescentes et pures transportent le spectateur dans une autre réalité proche de celle du photographe Walker Evans.

 

A travers son univers urbain mystérieux et abandonné de l’homme, l’artiste semble tourner autour du thème insondable de « réalité », une réalité qui ne peut jamais être saisie définitivement, si ce n’est dans la réalité de l’art au sens où l’entend Gerhard Richter comme « forme suprême de l’espoir ». Ainsi, le principe d’Archimède de ce peintre est-il la peinture elle-même ? En elle, toute expérience extérieure ou intérieure, toute expérience négative ou positive de la réalité, y compris l’expérience personnelle, trouve sa réflexion. Léonard Félix semble constamment en route, cherchant, interrogeant et remettant sans cesse en question la réalité qui nous entoure.

 

Séverine Cattin, Accrochages, 2010

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